Si quelqu'un y touche, je le tue ! » plaisante à peine Jennifer, 25 ans. Sous son lit, la jeune femme couve le résultat d'une collection d'enfance dûment menée. Sacs en papier, feuilles, blocs-notes encore emballés, figurines, trousses et peluches sont soigneusement rangés et préservés. Leur point commun tous sont estampillés de la marque Diddl. J'ai vraiment tout eu quand j'étais petite ! À mes anniversaires, je ne demandais que ça », se souvient Jennifer. Impossible pour elle de quantifier ses objets. Il y en a beaucoup trop. Comme une grande partie des enfants nés entre la fin des années 1980 et le début des années 2000, Jennifer s'est laissée séduire par l'image de cette petite souris tout sourire et attachante. Exit Mickey ! Ultraconvoitée, la marque Diddl s'est rapidement imposée comme celle à posséder dans toutes ses déclinaisons. Ça reste un objet qu'il faut avoir sur soi, pour se faire reconnaître par rapport aux autres », analyse Sandrine Vincent, autrice de l'ouvrage Le Jouet et ses usages sociaux, sorti en 2001 aux éditions La n'a jamais possédé de Diddl, Adrian, 25 ans, se rappelle encore précisément ce phénomène. Je me souviens du porte-clés accroché au sac, du porte-revues… C'était l'attraction qu'il fallait montrer », appuie-t-il. Dans les cours de récréation, les feuilles colorées, délicatement parfumées ou encore pailletées deviennent une véritable monnaie d'échange. Ça donnait un certain raisonnement aux enfants, ils se lançaient dans une économie circulaire », poursuit Adrian. Contrairement aux billes ou encore aux cartes Pokémon, la ribambelle de produits Diddl, et en particulier les collections de papeterie, ne sont pas liés directement au jeu à proprement parler. Griffonnées, les feuilles perdaient même toute leur valeur. Celles-ci devaient donc absolument rester vierges. C'est marrant que les enfants achètent du papier à lettres pour le collectionner sans écrire dessus », soulève à juste titre Azadeh, 21 ans. Étudiante en art, la jeune femme travaille sur l'enfance et l'économie du souvenir. Elle s'est d'ailleurs remise à collectionner les Diddl. Ça m'intéresse, car c'est un objet dérivé de rien. C'est un dessin qui n'a jamais été animé, c'est juste une figure et on s'imagine tout un univers autour d'elle », populaire en Allemagne qu'Helmut Kohl et Michael SchumacherLe 24 août 1990, la fameuse souris Diddl prenait vie sous les traits de crayon de l'Allemand Thomas Goletz. Dessinée à l'origine comme un kangourou, Diddl deviendra rapidement cette gerboise sauteuse blanche aux pattes et aux oreilles énormes. Un an plus tard, en 1991, quarante-huit cartes postales à son effigie sont commercialisées. Au fil des années, au-delà de la papeterie, Diddl multiplie les produits dérivés et s'entoure de nouveaux personnages, tout en se créant son propre univers. Le phénomène explose outre-Rhin et se fait très vite une place de choix sur le marché français. En 2006, la marque apparaît même dans 26 pays du monde. Si elle est à l'époque incontournable, elle va perdre de son aura à la fin des années 2000, au profit de nouvelles modes. Tout phénomène qui connaît une flambée ne tient pas la distance dans le temps, souligne Sandrine Vincent. Il faut savoir que, par les dessins animés et les médias, il y a une circulation qui est très rapide chez les enfants. » Thomas Goletz a lui aussi une possible explication à ce désintérêt soudain À partir de 2010, le marché a changé en raison de l'ère numérique, précise-t-il au Point Pop. Les smartphones, les réseaux sociaux et les services de streaming ont prévalu. Cela a également eu un impact sur le marché des cadeaux analogiques, dans lequel Diddl avait fonctionné avec succès jusque-là . » En conséquence, à la fin de l'année 2014, l'illustrateur et la société allemande Depesche, qui s'occupait depuis les débuts de la diffusion des produits de la marque, mettent un terme à l'aventure. Thomas Goletz récupère la licence de distribution. Il lui faut alors écrire une nouvelle page de l'histoire de son 2015, Diddl a célébré son quart de siècle. Cette année-là , à la télévision allemande, la souris est désignée comme l'un des vingt héros de ces vingt-cinq dernières années, derrière l'ancien chancelier d'Allemagne Helmut Kohl ou encore le pilote automobile Michael Schumacher. La même année, Thomas Goletz accorde à la société allemande Kiddinx Media la licence de Diddl. Une page Facebook, qui compte aujourd'hui près de 80 000 abonnés, voit le jour. Mais il faudra attendre l'année 2016 pour que la mascotte fasse son retour. Des produits sont alors réédités sous la marque Diddl Forever. Avec le lancement d'un site d'achat en ligne et d'un compte Instagram, la souris so 90's » poursuit sa digitalisation et, surtout, se modernise. L'objectif toucher les fans d'antan ainsi que la jeune génération. Mais le revival est de courte durée il y a tout juste deux ans, Thomas Goletz retrouve une nouvelle fois l'intégralité des droits de licence. En début d'année 2020, il était encore possible de se procurer des produits neufs, grâce à la boutique en ligne. Mais à l'approche du trentième anniversaire, cette dernière affiche page blanche. Sur les réseaux sociaux, le silence très trop ? long de Diddl peut servir à alimenter toutes les théories. Et si 2020 signait tout bonnement la fin du symbole ?Je reçois des e-mails de fans du monde entier, y compris de France Thomas Goletz, créateur de DiddlQuelle que soit la réponse, la petite souris est impossible à enterrer pour les fans de la première heure. Les souvenirs sont trop puissants. Trop ancrés. J'ai commencé ma collection tellement petite, j'ai attendu pour tout avoir, je ne peux pas m'en passer », affirme Jennifer, qui confie jeter un œil à ses objets une fois par mois, pour voir s'il ne manque rien. » L'autrice Sandrine Vincent explique Au départ, il y a un phénomène de mode. Ensuite, il y a un phénomène de souvenir et d'enfance et, enfin, il y a le phénomène de collection, qui se rattache toujours à quelque chose de positif. Quand c'est associé à des souvenirs, c'est très difficile de s'en séparer. L'objet a presque le même statut qu'une photo on le regarde et on se remémore des choses. » Caroline, 27 ans, ne s'est, elle aussi, jamais séparée de sa collection. Par nostalgie, évidemment. Et aussi, comme bon nombre, parce qu'elle avoue ne pas savoir quoi en faire ». La boîte contenant ses nombreux articles de papeterie accumulés, comme les feuilles odeur origan », a trouvé sa place dans la cave familiale. Certains ont fait le choix de leur redonner une seconde vie, en s'en procurant d'occasion. J'achète encore des Diddl quand j'en trouve », raconte Jessica, 31 ans, qui transmet sa passion révolue à son enfant de huit ans. Ma fille aime tout, elle est fière d'avoir les peluches de sa maman. Ce sont des souvenirs d'enfance », déclare-t-elle. Je reçois encore beaucoup d'e-mails de fans du monde entier, y compris de France, révèle Thomas Goletz. Les premiers fans ont maintenant grandi et ont leurs propres enfants, qui aiment aussi Diddl. C'est un sentiment merveilleux d'avoir créé quelque chose d'aussi précieux et unique. Beaucoup de gens ont eu une enfance heureuse avec et à travers Diddl et ce sentiment est profondément enraciné dans leur cœur », témoigne-t-il encore. À l'heure actuelle, l'illustrateur confirme qu'il n'est plus possible de se procurer des objets neufs de sa marque. Pour le moment, Diddl est en vacances », sourit-il. Mais, que tout le monde se rassure, lui non plus n'a pas décidé de tirer un trait sur son personnage si populaire. J'ai de bonnes idées, mais elles doivent encore un peu mûrir », glisse Thomas Goletz, sans plus de détails sur ses projets. Au risque de tenir en haleine des milliers d'enfants… aujourd'hui devenus adultes. Par chance, trente ans plus tard, le fan-club est toujours au rendez-vous. Si Diddl devait se relancer, je rachèterais des feuilles, assure Jennifer. Pour le plaisir de me dire que c'est ce que j'aimais quand j'étais petite. »
Tout: Si vous sélectionnez cette option, tous les objets interactifs apparaîtront en surbrillance quand vous passerez la souris dessus. Défilement souris/vue : Réglage vitesse de la souris : Cette valeur détermine la vitesse de rotation de votre personnage lorsque vous maintenez le bouton gauche de la souris enfoncé.